Polyphonie

Américains après tout

Ferland, Pierre-Paul
Montréal, Druide, 2012
224 pages.

Toute la prouesse d’Alain Beaulieu réside précisément dans ce refus de céder à la tentation du microcosme et de la métonymie. Ses personnages, aussi stéréotypés puissent-ils sembler, prennent une épaisseur inattendue en vertu de leur psychologie nuancée. L’Amérique de Beaulieu s’efface derrière ses personnages. Si certains peuvent justement voir dans l’indétermination géographique du titre et dans l’obsession de Beaulieu à ne jamais donner de toponymie claire à son histoire un vœu de «continentaliser» son roman, j’y vois plutôt, au contraire, un refus de thématiser à tout prix l’espace américain.

Symphonie sans vuvuzela

Groulez, Raphaël
Évoquer l’Afrique du Sud sans lui accoler la Coupe du Monde; faire dialoguer les générations sans discuter du mode de financement des retraites: de la science-fiction? Pas tout à fait. Prix Nobel de littérature en 2003, J.M. Coetzee, originaire du Cap, a souvent laissé le passé planer sur ses personnages. Au-delà de la vision idéalisée d’une «nouvelle Afrique du Sud» multiraciale, le romancier s’intéresse à la déstabilisation sociale engendrée par cette évolution radicale. En détruisant une «construction sociale de la réalité», l’abolition de l’apartheid a substitué une fracture sociale, intergénérationnelle (avant et après apartheid), à une fracture raciale. La recréation d’un monde commun, fruit d’une négociation entre générations clivées, est-elle envisageable? Comment s’alléger du poids de la culpabilité, reçue en héritage?

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